La gauche-droite multifactorielle




Résumé

Une grille bi-dimensionnelle pour préciser les attributs de la gauche et de la droite.

1. Introduction

La Gauche comme la Droite sont devenues incompréhensibles. En effet de nouvelles orientations sont apparues au sein même de ces divisions déclassant celles qui étaient normalement comprises, les reléguant même au côté opposé. C'est à se demander ce que sont devenues les définitions de Gauche et de Droite et même s'il y en a déjà eues tant les concepts sont flous et mals compris. La ligne de fracture accole maintenant la Gauche à l'Extrême-gauche ainsi que la Droite à l'Extrême-droite et tout un chacun ne se reconnaissant plus se demande où il se situe réellement. Afin de démêler cet embrouillamini nous proposons une grille bidimentionnelle capable de caractériser les multiples orientations du discours politique.

1.1 Orientation

Ethymologiquement, s'orienter signifie déterminer où se trouve l'orient par rapport à soi c'est-à-dire trouver l'est, la direction où le soleil se lève. Traditionnellement sur une carte géographique l'est se trouve à droite, l'ouest à gauche, le nord en haut et le sud en bas. En l'absence du soleil, l'aiguille magnétique de la bousole pointe vers le nord et permet d'orienter convenablement une carte géographique. C'est ce qui permet au voyageur d'explorer son environnement et de retrouver son chemin. De même dans le monde des idées, que ce soit en littérature, en science, en histoire, en politique ou autre, il est nécessaire de s'orienter et de se situer par rapport aux autres. Mais il n'existe pas encore de boussole qui permette de se situer convenablement en toute certitude.

1.2 Polarisation

La polarisation des idées naît naturellement par le classement et la division entre le semblable et le différent. C'est un acte de l'esprit qui permet d'assseoir la connaissance et de gérer les décisions à prendre en vue d'assurer le maintien de l'identité, de la personalité, de la sécurité et finalement du statut social. Les classements peuvent prendre toutes sortes de formes et sont des plus nombreux. Ils comprenent des divisions, des sous divisions et s'appuient sur des règles de répartition qui peuvent être plus ou moins bien définies. À titre d'exemple, le système de taxonomie des espèces vivantes qui compte cinq règnes divisés en sept niveaux de subdivisions qu’on appelle taxons représente un système bien défini. Par contre au niveau des idées il en surgit constamment de nouvelles selon le moment, le lieu, l'époque ou le groupe social. Et nombreuses sont les théories et hypothèses en matière sociale notamment, lesquelles ne se gênent pas pour altérer selon le besoin le sens des mots sinon de l'histoire et par conséquent mêler les polarisations, ajouter à la confusion et augmenter le bruit de fond.

1.3 Variations

La société formate les personnes selon l'histoire, les croyances, les valeurs communes et les pressions de l'environnement. Malgré cela, chacun est libre de penser et de s'exprimer selon ses expériences de vie et celle-ci est unique et différente pour tous. Il s'en suit que tantôt untel sera du même avis que quelques autres dépendant du point de vue et en différera totalement sur un autre. Dans ce maelstrom surgissent et apparaisent de temps à autres de nouvelles idées, des concepts inédits, des divergences de la pensée commune lesquelles sont la plupart du temps non orthodoxes ce qui appelle un changement de paradigme. Ainsi l'arrivée d'un groupe adhérant à de nouveaux principes et ayant le projet de modifier le milieu de vie pour le plus grand bien de tous se démarque de l'ensemble et devient déstabilisant pour les autres. Selon les circonstances le désaccord vis à vis ces nouveaux agents se cristallise dans des groupes d'opposition qui campent sous des noms, des sigles, des totems ou autres symboles évocateurs.

1.4 Politique

Selon David Rand "Les termes «gauche» et «droite» au sens politique trouvent leur origine dans la disposition des sièges à l'Assemblée nationale constituante pendant la Révolution française à partir de 1789. Les députés assis du côté gauche de la chambre étaient en général des sympatisants de la Révolution, du républicanisme et de la laïcité, tandis que ceux du côté droit restaient plutôt fidèles à la monarchie, au clergé et aux institutions traditionnelles de l'Ancien Régime."

Marcel Gauchet lors d'un entretien publié dans Front Populaire, reprend avec plus de détails ce propos de la genèse historique de la «droite» et de la «gauche». En résumé, tout débute avec les dualités monarchie-république, individu-corporation. Le pouvoir de l'État se plaçant alors au centre, les identités politiques s'en déterminent par leur éloignement d'un coté ou l'autre. Droite et gauche différentient aujourd'hui la pluralité des options politiques et la représentation parlementaire conséquente par une étiquette binaire simplificatrice d'un archipel de tendances d’un côté comme de l’autre.

Dans les parlements issus de la tradition britannique, l'assemblée des élus est disposée en deux groupes de sièges alignés se faisant face définissant ainsi pour le président de la chambre un groupe à sa droite et un autre à sa gauche. L'hstoire veut que les tenants d'un libéralisme, d'ouverture et de diversité se soient retrouvés à gauche alors que les conservateurs tenant de la tradition et des valeurs historiques se soient retrouvés à droite. Les premiers, à gauche, furent surnommés les whigs et les seconds, à droite, les tories. Ainsi la droite et la gauche sont devenus synonyme du clivage entre les idées conservatrices et les idées libérales.

1.5 Grille

En fait la droite et la gauche politique tels que nous les connaissons aujourd'hui ont une histoire beaucoup plus riche et complexe. Le sens intime s'est défini progressivement au fil des époques traversant tantôt à droite et revenant plus tard à gauche et vice versa. La pauvreté de ces notions mal définies et changeantes ne permet pas de dégager des caractéristiques fortes autorisant l'analyses de la pléthore de groupes politiques ou sociaux existant. Nous devons par conséquent élaborer une grille d'analyse qui permetra de clarifier ce qui caractérise ces deux pôles.

2. Caractéristiques

La convention courante assimile la droite à la stabilité, à l'autorité, à la hiérarchie, au conservatisme, aux traditions, à l'ordre public, aux convictions religieuses, à la famille et la propriété privée ; la gauche à l'insatisfaction, à la revendication, au changement, au sens de la justice, à la liberté, au don et à la générosité. Nous choisissons pour débuter quatre paires d'attributs polaires afin de bien distinguer ce qui identifie et caractérise la gauche et la met en forte opposition avec la droite. Ainsi, nous avons les couples «Révolution-Réaction», «Individualité-Collectivité», «Fluidité-Cohésion» et «Connaissance-Croyance».

2.1 Révolution-Réaction

Si nous posons un regard sur l'histoire, on verra qu'elle fait apparaître un monde occidental plutôt stable entre le IVième siècle et le XVIième siècle, une période connue sous le nom de «Moyen Âge». Ce monde est tout dédié à la recherche de la perfection comprise selon le modèle chrétien. C'est un monde hiérarchique où la place de tous et chacun est déterminée dès la naissance. C'est un monde pérenne évoluant très lentement, techniquement et socialement. Faisant suite à cette période plutôt stable la Renaissance au XVIième siècle initie un changement important de la pensée courante fruit de la redécouverte des anciens, essentialement un mouvement de nature artistique. S'étendant aux autres domaines de la vie, sa diffusion fait découvrir la capacité de l'homme, de l'individu d'innover et de s'émanciper, notamment des pouvoirs manarchiques et papaux. Ainsi la Révoltion française à la fin du XVIIIième siècle produit les «Lumières», un mouvement général de transformation globale de toute la société. Il conduit à la modification des moeurs tant philosophiques que politiques, à l'invention du citoyen, de la république, de la démocratie, de la nation, des libertés, du libéralisme, des droits de l'homme, des découvertes scientifiques, en fait il génère de multiples révolutions. Et comme lors de toute révolution petite ou grande il se construit une réaction opposée de la part du milieu d'où elle origine. Cette réaction de nature conservatrice vise à protéger les acquis et à maintenir la stabilité du système en place. Il nous apparaît bien clair que le premier attribut à considérer en vue de caractériser la Droite et la Gauche sera le phénomène du changement de paradigme ce qui se défini par Révolution à gauche et Réaction à droite. Ceci constitue donc notre premier couple, la "Révolution-Réaction".

2.2 Individualité-Collectivité

Ce monde où se produisent les révolutions et les réactions, de quoi se compose-t-il sinon d'une masse indistincte d'individus. Des personnes qui vivent ensemble selon des codes et qui réagissent d'un seul mouvement, d'une simple envolée, aux perturbations de leur milieu. Ils tirent leur force de l'action commune contre les perturbateurs, contre les agitateurs, contre les contestataires. C'est la vie du groupe qui prime et sa valeur réside dans la perfection c'est-à-dire l'absence de défauts. L'histoire est pleine d'exemples où les innovateurs jamais reconnus pour leur valeur en leur début ont vu l'opposition les anéantir et les écraser mais leurs idées ont toujours survécu. Que l'on pense à Jésus, à Siddhartha Gautama, à Mahomet, à Descartes, à Luther, à Gandhi, et à quantité d'autres. Descartes dit «Je pense donc je suis», il affirmait par là son individualité, son autonomie, sa différentiation par rapport au groupe qui lui, récitait sans cesse à l'unissons ses dogmes. La constante est le choc, la faille qui partage, la discociation entre l'historique et le circonstantiel, entre la collectivité et l'individu, mais un individu qui se libère de la gangue qui l'opprime, qui l'uniformise et qui n'en fait qu'un rouage anonyme et immuable du système. C'est la volonté d'un individu qui s'affirme comme un, autonome, indépendant, dont la pensée romp avec l'hégémonie du groupe. Nous composons donc le second couple caractérisant la dichotomie gauche-droite comme l'«Individualité-Collectivité».

2.3 Fluidité-Cohésion

Comment peut-on identifier clairement et caractériser les individualités et les groupes? Quelles sont leur principales propriétés? On peut dire d'une part que la pensée uniforme et globale du groupe montre ses membres comme étant tous animés d'un même mouvement, d'une même idéologie, visant le même objectif, se supportant et s'encourageant mutuellement, agissant à l'unissons, dans l'union et la cohésion. D'autre part on voit un individu autonome qui se distancie, se libère de la masse, de ses attaches et adhérences, qui affiche la mobilité, la capacité à changer, à évoluer et à s'adapter rapidement à toutes fluctuations et variations qui peuvent l'affecter. Il se distingue et s'affranchit du groupe par la flexibilité et la fluidité. Un troisième couple polaire caractérisant la gauche et la droite sera par conséquent la «Fluidité-Cohésion».

2.4 Connaissance-Croyance

L'assise, le fondement sur lequel se construit tout l'édifice des relations sociales d'un groupe, le ciment qui maintien la cohésion de cette collectivité est une vision particulière du monde. C'est celle qui répond aux questions fondamentales de ses membres et assure un sentiment de sécurité, d'unité et de grandeur. Ce sont toujours des cosmogonies anthropomorphiques qui satisfont les besoins fondamentaux de tous les membres du groupe. À l'opposé, l'individaliste qui prend son indépendance et se détache du groupe abandonne de telles visions du monde car elles lui imposent des contraintes et obligations auxquelles il ne peut souscrire. Révolutionnaire et en opposition avec ces idéologies, il renie mysticisme, mystères et mythologies. S'appuyant sur d'autres bases, stables et différentes, il rencontre la réalité matérielle et développe de nouvelles interprétations du monde qu'il juge plus adéquates, falsifiables et tout aussi satisfaisantes. La collectivité se fonde sur un monde de croyances alors que l'individu se fonde sur une base de connaissances. Notre dernier couple d'opposés sera donc «Connaissance-Croyance».

3. Haut-Bas

Tous constatent l'état de confusion actuel des orientations politiques du discours. Le fractionnement des idéologies tant à gauche qu'à droite les projette dans des directions inconciliables. Les gauchistes ne se reconnaissent plus et il en est de même pour les tenants de la droite. Il semblerait que les révolutionnaires d'hier subissent à leur tour une révolution interne créant un nouveau camp incompatible. Ainsi, la gauche ne se reconnaît plus dans l'extrême gauche de même que la droite ne se reconnaît plus dans l'extrême droite. Comment pouvons nous créer des critères pour départager ces orientations nouvelles?

L'analyse de ces situations qui s'entremêlent et corrompent les concepts classiques nous permet de dégager des propriétés essentielles à la compréhension. Nous avons affaire à des extrêmes qui se distinguent nettement les uns des autres demeurant du même côté de l'axe à gauche ou à droite mais sans affinités. À l'image de la géométrie analytique nous créons un nouvel axe l'ordonnée ou axe des Y orthogonal à l'abscisse ou axe des X. Dans notre cas nous nommons ce nouvel axe «Haut-Bas». L'axe horizontal représente bien évidemment l'axe «Gauche-Droite» alors que l'axe vertical représentera un nouvel ensemble de critères discriminant. Les quatre directions partagent l'espace politique en quatre quadrants, tel que les quatres directions Nord-Sud-Est-Ouest du cartographe. Nous pouvons ainsi créer de nouveaux couples d'opposés polarisants qui seront valides tant d'un côté comme de l'autre. Ce nouvel axe nous permettra de ventiler les caractéristiques de la gauche et de la droite selon huit nouveaux critères polarisants. Ce seront les couples «Progrès-Recul», «Réalisme-Utopisme», «Ouverture-Fermeture» et «Liberté-Contrôle».

3.1 Progrès-Recul

On attribue ordinairement le progrès à la gauche et le conservatisme à la droite. Mais de nouveaux paradigmes peuvent être qualifiés de progressistes aussi bien à la droite qu'à la gauche et il peut en être de même pour le conservatisme. Progresser ou conserver les acquis n'est pas l'apanage d'un côté ou de l'autre. Ici, nous devons faire attention à l'antonyme de "progrès" qui est "recul", alors qu'habituellement on y oppose plutôt "conservatisme" au sens d'immobilisme. Le recul est le retour vers l'antérieur, un retour vers des états passés qui sont jugés plus favorables ou meilleurs que l'état actuel. Dans de tels cas le recul s'exprime par un intégrisme avec le sens de plus intègre et donc sans connotation négative évidente. Un premier couple de cet axe sera le «Progrès-Recul».

3.2 Réalisme-Utopisme

Combien de projets grandioses n'avons nous pas vu se buter aux écueuils, abandonnés car irréalisables. Ainsi de toute idéologie, qu'elle soit d'actualité ou qu'elle consiste en un projet inédit, nous pouvons dire qu'elle est soit réaliste, soit utopiste. Elle convient donc à la stabilité présente ou future ou bien, elle est irréalisable ou perturbatrice au point de causer régression, déclin ou destruction. Toute évolution qui offre des garanties de réalisation utiles et profitable est de ce fait réaliste, alors qu'au contraire, si elle mène à une situation difficile, pire que la présente ou encore si elle n'a aucune chance de se réaliser, elle est utopiste tel un rêve, un projet idéal, imaginaire qui ne pourra se concrétiser tel que voulu. Comme second couple polaire, nous posons «Réalisme-Utopisme».

3.3 Ouverture-Fermeture

L'attitude face à tout projet ou toute idée innovatrice est soit celle d'acceptabilité ou de refus selon la disposition du receveur. Celui-ci peut offrir l'écoute, la discussion, l'agrément, la mise en place, l'essai, le partage ou soutenir toute attitude empathique à l'égard de tels projets ou propositions. Il s'agit là d'une attitude d'ouverture à l'autre. L'attitude opposée est la fermeture, le refus, le déni, la non-acceptabilité, le rejet catégorique, l'isolation face à l'autre, l'incompréhension, l'intolérance. Alors, l'«Ouverture-Fermeture» compose le troisième couple discriminant.

3.4 Liberté-Contrôle

Un projet révolutionnaire est l'expression de la liberté de changer, celle d'individus s'autorisant d'évoluer et de créer la nouveauté, la pleine capacité de concevoir, d'affirmer, de partager, de recevoir, d'entendre, pour tous et chacun comme bon il leur semble. L'absence d'entraves ou de limites non raisonnables constitue la liberté dans sa plus simple expression. L'exercice de pouvoirs limitant la liberté, qui en restreignent ou interdisent l'expression représente un contrôle, une action négative. Le quatrième couple est nommé «Liberté-Contrôle».

4. Centre

À l'intersection de ces deux axes se trouve le centre qui lui aussi possède des caractéristiques propres. Bien entendu elles se situent au milieu et en équilibre simultané avec celles qui définissent les extrêmes et qui caractérisant les deux axes. En ce lieu, il n'y a plus de paire d'opposés mais un centre unique, un point d'équilibre. Le centre est une position instable, incertaine, celle de celui qui ne se prononce pas, ni pour ni contre, un état où le désir de ne déplaire à personne prédomine, celui qui essaie de concilier les opposés. On reconnaît les caractéristiques du négociateur, de l'arbitre, de l'unificateur, du pacifiste, de l'idéaliste. Les quatre caractéristiques du centre sont «Réforme», «Négociation», «Engagement» et «Idéalisme».

4.1 Réforme

Qui propose révolution s'attend à réaction et entre le progrès et le recul, il y a matière à discusssion, à reconnaissance, donc un possible changement. On assiste alors à une réforme de ce qui est en place.

4.2 Négociation

Par rapport à la collectivité, l'individu s'il veut se faire entendre doit discuter et s'assurer de rester réaliste et ne pas tomber dans l'utopie, il doit donc négocier les conditions du changement.

4.3 Engagement

Dans un milieu cohésif et fermé la nouveauté qui en émerge doit faire preuve de mobilité, de flexibilité, de souplesse et d'ouverture si elle veut augmenter ses chances d'acceptabilité et obtenir quelques gains. Il y a engagement de part et d'autre afin de dénouer tout conflit ou opposition entre les pôles.

4.4 Idéal

La vision du monde toute privée et particulière qu'elle soit oscille entre la connaissance et la croyance qui pour en équilibrer les contradictions qui les opposent, le falsifiable et l'absolu, doit naviguer entre la liberté et le contrôle, c'est-à-dire rechercher un équilibre idéal.

5. Synthèse

Les deux axes de notre grille étant bien définis, ils offrent quatre quadrants permettant de se faire une idée plus pointue à partir du rapprochement des caractéristiques des extrêmes. C'est par l'appréciation de la prépondérance des caractéristiques polaires dans le sens de chacun des axes que l'on peut définir analytiquement deux douzaines de domaines. La grille qui suit montre l'ensemble des caractéristiques que nous avons présentées ainsi que leur compositions multiples. Nous nommons les quatre quadrants selon l'objet qui concentre le maximum des caractéristiques extrêmes et définissons ainsi «Nationalisme», «Individualisme», «Fascisme» et «Totalitarisme».

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5.1 Nationalisme

La collectivité cohésive, croyante et réactive qui est en même temps progressive, réaliste, ouverte et libre se manifeste comme un nationalisme. Une nation souveraine, qui existe et s'affirme par la démocratie et se régule sous un État laïque.

5.2 Individualisme

À l'opposé de la collectivité on trouve l'individu révolutionnaire, qui s'adapte et s'appuie sur la connaissance, fait preuve de réalisme, d'ouverture et s'émancipe en toute liberté. Ces personnes sont pleinement autonome, valorisent la méritocratie et l'universalisme.

5.3 Fascisme

La même collectivité cohésive, croyante et réactive, déclinante, fermée, pleine de ressentiment recherche un contrôle utopique. Elle vogue à travers l'historicisme, le socialisme et la relativité des cultures vers un retour aux valeurs passées mal comprises. Intégriste, elle dérive vers le fascisme.

5.4 Totalitarisme

L'individu révolutionnaire, ne visant que sa liberté tout azimuth, s'isole, se ferme, décline et exploite la connaissance pour exercer un contrôle utopique. Libertaire et libéraliste, il abat les frontières nationales et culturelles pour asseoir le totalitarisme de son commerce.

6. Application

Maintenant que nous disposons d'une grille d'analyse, validons là moyennant un exercice concret. Nous avons introduit ce document par la pertinence de définir une grille d'analyse étant donné la confusion existant entre la vraie gauche classique et ce que l'on nomme difficilement l'extrême gauche. Voyons donc l'éclairage qu'apporte cette grille en faisant l'analyse du postmodernisme.

6.1 Postmodernisme

Depuis le XXième siècle, on place les fascistes à droite (ex Les tenants du Duce Mussolini, du Caudillo Franco ou du Nazi Hitler) et ceux qui s'y opposent à gauche, les anti-fascistes. La gauche qui toujours introduit de nouveaux paradigmes est révolutionnaire. Ainsi à la fin du XVIIIième siècle avec la révolution française, un siècle après une semblable révolution outre Manche, débute un nouveau courant de pensée nommé «Les Lumières» et dont l'idée maîtresse veut le progrès d'un homme autonome, qui au nom de la raison, se libère du carcan du conformisme séculaire politico-religieux. Il s'attache à la connaissance du monde réel, faisant fi des idées convenues, développe l'esprit critique conduisant à la méthode scientifique qui fait la force de la modernité de nos jours. Le précédant de peu, le Romantisme développe en parallèle un changement social mais totalement en opposition à celui des Lumières. Il se défini comme «un sentiment contre la raison, exaltant le mystère et le fantastique et cherchant l'évasion et le ravissement dans le rêve, le morbide et le sublime, l'exotisme et le passé, l'idéal ou le cauchemar d'une sensibilité passionnée et mélancolique», bref à ce qu'on peut ressentir, un courant qui s’exprime dans la littérature, la peinture, la sculpture, la musique, la politique et la danse et perdure encore jusqu'à nos jours. Ce courant se manifeste dans tous les domaines de l'activité humaine, il est soutenu notamment par les Hugo, Proudhon, Sorel, Maîstre, Carlyle, Taine, Renan, Meinecke, Berlin lesquels vont s'appuyer sinon glorifier les précurseurs que furent les Vico, Burke et Herder. Bien que révolutionnaire à l'époque, le romantisme n'en garde pas moins un ancrage avec la pensée historique précédente, celle du Moyen Âge. Au XXième siècle les théoriciens français Lyotard, Deleuze, Derrida, Lacan, Foucault exploitent cette veine, établissant les bases de ce qui deviendra le postmodernisme. Christian Boyer nous en donne une description claire: «Le postmodernisme récuse la science comme source première de la connaissance, considère la raison comme suspecte, rejette l'existence de connaissances qui peuvent être universelles et conteste le concept d'objectivité». Il introduit les concepts du relativisme et du déconstructionnisme dont l'objectif, est de contrer les Lumières. Subséquemment, depuis les années 1970 et jusqu'à maintenant, leurs idées, remises à jour dans les universités états-uniennes, au nom de la cause des exclus, notamment celle des noirs afro-américains, nous parviennent sous la forme des études culturelles. On y reconnaît le post-colonialisme, l'alter-sexuel, le racisme systémique, le féminisme, la grossophobie, l'handicapophobie, l'intersectionalité, le politiquement correct, le wokisme, les droits LGBT+, la théorie du genre, le spécisme, etc. Par l'ampleur que prennent ces nouvelles idées, leur diffusion dans les milieux universitaires, l'appropriation par les média de masse, leur imprégnation dans les réseaux sociaux numériques, on croirait avoir affaire à une révolution sans frontières. Mais tel n'est pas le cas car il n'y a là que la mouvance de réactionnaires dont les idées incongrues, contraires à la nature de la réalité biologique et matérielle, se situent dans le monde irréel de la rêverie, des supputations, de la croyance, des mythes, d'une morale fabriquée pour l'occasion, du bien et du mal. Les propositions de ces tenants sont par nature indiscutables et procèdent du crois ou meurs, typiques des religions et s'allient d'ailleurs avec l'islam radical dans l'islamophobie. Ces réactionnaires en descendance directe des anti-Lumières, tel qu'analysé par Sternhell, poursuivent leur action et se situent bien évidemment comme eux, à droite. C'est à tort que l'on croit qu'ils constituent une extrême gauche portant ombrage à la gauche mais c'est une pure droite utopiste, fermée et contrôlante. Elle se veut une gauche «anti-fasciste» mais elle est en réalité une droite «anti-anti-fasciste». Ces gens de droite sont des réactionnaires, qui par leur action concrétisent un recul par rapport à la modernité occidentale, ce sont des intégristes qui veulent imposer par la force leurs raisonnements destructeurs. Participant de la droite, ils ne constituent pas non plus une extrême droite mais plutôt une droite régressive, utopiste, fermée et contrôlante à l'extrême, c'est-à-dire une droite fasciste.

7. Conclusion

Nous avons montré la nécessité d'identifier et de définir les caractéristiques pertinentes à la compréhension de l'axe politique gauche-droite. Nous avons étendu l'analyse en introduisant un nouvel axe propice à ventiler ces caractéristiques étant donné la confusion induite par de récents paradigmes mal caractérisés. Nous avons examiné l'interaction croisée des caractéristiques pertinentes de ces deux axes et nous les avons identifiées sur une grille multi-factorielle. Nous avons terminé cet exercice par l'examen du postmodernisme selon ces nouveaux critères et déterminé que celui-ci ne représentait en rien une extrême gauche mais plutôt une droite fasciste.

8. Références

8.1 Média

[Les Lumières] Philosophie des Lumières, site Internet Wikipedia

[Front Populaire] Site Internet de la revue Front Populaire, numéro 7

[Romantisme] Le Romantisme, site Internet Wikipedia

8.2 Bibliographie

[Boyer 2021] C. Boyer, La pédagogie n'a jamais atteint la modernité, «Identité, Race, Liberté d'expression», Perspectives critiques sur certains débats qui fracturent la gauche, Sous la direction de Rachad Antonius et Normand Baillargeon, pp 267-293, Les Presses de l'Université Laval, 2021, ISBN 978-2-7637-5625-7

[Sternhell 2010] Z. Sternhell, Les anti-lumières, Une tradition du XVIIIième siècle à la guerre froide, 2010, Éditions Gallimard, coll. foliohistoire, ISBN 978-2-0703-1818-6

[Gauchet 2021] M. Gauchet, La Droite et la Gauche, histoire et destin, novembre 2021, Éditions Gallimard, coll. Le Débat, ISBN 978-2-0729-5253-1

[Rand 2021] D. Rand, Les Lumières absentes de la pensée woke, «Identité, Race, Liberté d'expression», Perspectives critiques sur certains débats qui fracturent la gauche, Sous la direction de Rachad Antonius et Normand Baillargeon, pp 127-145, Les Presses de l'Université Laval, 2021, ISBN 978-2-7637-5625-7

 

© GOSSELIN P-R

Première parution: 01 février 2022

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